Petit rétropédalage à la lettre P, car s'il y a bien quelque chose à côté de quoi je ne pouvais pas passer ce sont les élections. Au moment où je vous écris toute la rumeur de la ville monte déjà jusqu'à mes oreilles : feux d'artifices, musiques, klaxons.
En effet aujourd'hui les Brésiliens votaient pour leur Président de la République, pour leurs députés mais aussi au niveau des Etats (les "régions"). Et ici les élections, c'est une autre ambiance.
Mon premier souvenir lorsque je suis arrivé est déjà lié à la campagne électorale. Alors que la tante de Vivi nous ramenait chez elle il y avait un gros défilé de voitures et de camions avec plein de drapeaux et d'affiches rouges, qui gueulaient des slogans pour le candidat du Parti des Travailleurs. Le petit naïf que j'étais n'avait pas conscience que ce n'était que le début d'un long et lourd calvaire...
En effet depuis que je suis ici il ne se passe pas un jour sans qu'une
camionnette bourrée d'enceintes ne me délivre gracieusement son message politique à deux balles. Le tout à un volume sonore dont les décibels auraient une suite de zéros à faire pâlir le plus endurci des banquiers.
En dehors de ces joyeusetés sonores, on remarquera aussi sur le bord de la route la présence de "militants", arborant des drapeaux de toutes les couleurs et dont je sais désormais grâce à
Clarita qu'ils sont justes payés pour ça. En même temps, vu l'enthousiasme débordant qu'ils y mettaient, j'aurai eu du mal à penser qu'ils y croyaient vraiment...
Ou sinon j'ai aussi eu la chance de pouvoir observer le débat du vendredi soir. Il s'agissait du dernier grand débat avant les élections, organisé par TVGlobo, et qui mettait en scène les quatre principaux candidats à la succession de Lula. A savoir Dilma Roussef, José Serra, Marina Silva et Plinio.
Je ne vous ferais pas l'historique,
certains en ayant déjà parlé pour moi. Par contre je peux donner mon sentiment personnel sur chacun d'entre eux, et la manière dont je les ai découvert ce soir-là :
* "Le renard amnésique" : Partons du plus à droite. José Serra. S'il existe une droite dans ce pays, car lorsque l'on entend Serra, on a du mal à voir en lui un néolibéral ayant participé aux gouvernements précédents. Ce qui est pourtant bien le cas, même s'il se tue à répéter que les médicaments génériques c'est lui. Sa principale difficulté est donc tout simplement de trouver un angle d'attaque contre le parti au pouvoir, extrêmement populaire. Du coup cela lui est tellement difficile qu'il est obligé d'affirmer sans cesse que s'il devient Président "il ne détruira rien", qu'il accepte les progrès ayant été faits etc. Tout le monde y croit tellement que les sondages le donnent à 15 points d'écarts de Dilma.
* "L'ourse bulgare" : Dilma Roussef, du parti actuellement au pouvoir, le Parti des Travailleurs, du centre-gauche. C'est la grande favorite de ces élections, et hormis une énorme surprise elle en sera la gagnante. Tout le suspens est plutôt de savoir si elle sera élue ou non au premier tour, c'est à dire ce soir. Le petit détail pour mes amis actuellement en Europe de l'Est : le nom de Dilma est d'origine Bulgare. D'où ce joli surnom qui m'est venu en tête.
Autre détail qui révèle tout : j'avais demandé il y a quelques temps au père de Vivi pour qui il allait voter, il m'a répondu "Lula".... (et il n'est pas gâteux hein), si avec ça vous n'avez pas compris qui se trouve derrière elle.
Enfin le fait qui m'a bien fait rigolé en pensant à Royal et à notre hypocrisie française : ici le fait d'être une candidate femme est totalement assumé, et utilisé. Dilma le dit texto "si vous votez pour moi je serai la première femme présidente et ça c'est cool !" (tout un programme...)
* "La grenouille de bénitier", j'ai nommé Marina Silva du Parti Vert Ecologiste, crédité de près de 20% des votes. Au début j'ai été séduit. Oui je suis faible, tout ce qui est vert fait naître en moi un élan inexorable d'amour. Et puis en plus Marina, c'est du vrai storytelling : elle vient d'une famille pauvre de seringueiros. Elle a appris à lire et écrire à 16 ans. Elle s'est battue aux côtés de Chico Mendès, et a réussi à freiner un petit peu la destruction de l'Amazonie quand elle était ministre de l'environnement avant de quitter un gouvernement avec lequel elle n'était plus en accord. Et ça c'est la classe, chez nous on attend toujours... Et puis il y a eu ce débat. Et la fin.
"- Marina, quels enseignements et qu'est ce que vous voudriez dire pour clore votre temps de parole ?
- et bien tout d'abord je voudrai remercier..... DIEU"
Glarg. Ma laïcité française m'a tuer. Marina, je sais que tu es évangélique, que les américains adorent saupoudrer de divin tout ce qui les entourent. Mais quand même quoi.
* Et pour terminer, le meilleur... "le Grand Schtroumpf", tout vieux et tout rouge, Plinio, du PSOL, Parti Socialisme et Libertés, de l'extrême-gauche.
Si vous saviez comme j'ai pensé à mes chers colocs cocos de l'année dernière. Parce que là je viens de trouver moins sexy que Mélenchon. Si si c'est possible.
Première intervention de Plinio, il a trente secondes pour parler. Il ne trouve pas ses papiers. A oublié son texte. Du coup il parle en tremblotant 10 secondes puis est coupé par le speaker.
Et moi dans ma tête, j'entends déjà
Patrickounet, mon ami et ex-voisin de chambre, le défendre "Mais enfin Lionel, tu te rends compte, voilà la preuve de la toute-puissance du capital ! On le laisse même pas s'exprimer, scandâââle".
Voilà. Ou sinon le programme de Plinio c'est de pas payer les "dividas". Genre de pas payer les intérêts de la dette aux autres pays du monde et comme ça tu finances tout tout tout. C'est magique.
"-mais Vivi je croyais que le Brésil avait fini de payer sa dette externe non ?
- ben oui mais non"
J'ai toujours pas compris.
Quant au débat lui-même... Certains l'ont qualifié de morne. Je l'aurai plutôt qualifié de robotique. C'était une procédure assez complexe, avec des temps chronometrés, et des sujets choisis au hasard. Mais de fait il n'y a pas eu de véritable débat entre candidats, c'était plutôt une suite de "questions-réponses" savamment préparées et apprises par coeur depuis des mois. Alors oui, au moins cela permettait de toucher plus profondément aux projets défendus, et d'éviter
ça (débats des Européennes en France). Mais un peu de spontanéité que diable...
Comme vous l'aurez constaté, c'est avec mon sang ma sueur et mes larmes que j'ai tenté de vous transcrire, de la manière la plus sérieuse qui soit, toute la portée universelle des élections de la première puissance de l'hémisphère sud.
Bon en vrai, si vous voulez lire des trucs un peu plus malins, les articles sur le sujet foisonnent en ce moment, et je ne parle même pas des bilans de la politique de Lula le poulpe. Je vous indique quand même ceux que j'ai trouvé les plus intéressants :
- Un débat bien creux :
- Sur "l'après-Lula" :
- Sciences Po s'y met aussi :
Pour terminer ce petit tour que je compléterai à l'occasion : un candidat typique
Vous trouvez ça drôle ? Ce gars vient d'être élu député fédéral de São Paulo, et il a été déjà été poursuivi pour racisme et corruption...
***************************
A
B
C
D
E
F
G
H
I
J
K
L
M
N
O
P... comme Politique
Q... comme Quotidien
R
S
T
U
V
W
X
Y
Z